Je sais que de nombreux posts ont déjà été écrits sur le sujet. Car malheureusement, les remarques sexistes et déplacées, les hommes relous et le harcèlement sexuel sont une réalité dans tous les pays. J'ai également été confrontée à des comportements et des remarques problématiques lorsque je courais en France : les sifflets dans les rues de Paris, les mauvaises blagues à Grenoble, et même quelques frayeurs dans le village de mes parents quand je débutais la course à pied.
Néanmoins, je pense tout de même que nous sommes (encore) plus vulnérables dans un pays et une culture que nous ne connaissons pas, lorsque nous sommes clairement identifiées comme étrangères, et lorsque nous sommes loin de nos proches et d'un soutien potentiel.
Expérience d'une coureuse toubab
La vie quotidienne peut déjà être assez fatigante en tant que femme dans les quelques pays où j'ai vécu. Se faire suivre par des hommes est une chose courante à Casablanca, à Kampala je ne pouvais pas faire 100 mètres sans qu'un gars essaie de me parler (en me disant « helloooo » comme si j'avais 5 ans), à Dakar un chauffeur de taxi sur deux me demande si je suis mariée et essaie d'obtenir mon numéro.
Mais quand on court, on attire encore plus l'attention car (1) il y a très peu de femmes qui courent dans ces pays en général et (2) en tant que muzungu/toubab (et en plus femme), on attire toujours l'attention de toute façon.
Ça va des sifflets (un classique) aux mecs qui me demandent « je peux venir avec toi ? », aux vieux qui me reluquent quand je passe devant les terrasses des cafés, aux jeunes qui me bloquent le passage pour rigoler (haha comme c'est drôle), à un gars qui me suit et m'attrape par le bras pour avoir mon numéro... Sans parler du commentaire « c'est bien pour une femme » que j'ai reçu après une course, ou des mecs qui n'acceptent pas que je les double dans la ligne d'eau...
La plupart de ces comportements ne sont (heureusement) pas menaçants et je me sens rarement en danger. Mais ils sont agaçants, me mettent mal à l'aise et, surtout, ne se produiraient pas si j'étais un homme. Ils sont là pour me rappeler que la rue, l'espace public et l'extérieur en général sont avant tout réservés aux hommes. Et de fait, je suis toujours frappée de constater la surreprésentation des hommes et des garçons dans les rues de Dakar, et il m'arrive fréquemment de me demander "où sont les femmes".
Quoi qu'il en soit, après cette longue introduction, voici mon petit guide de survie pour courir à l'étranger en tant que femme. Ces conseils peuvent bien sûr s'appliquer à tout le monde, et j'ai déjà développé la plupart d'entre eux plus en détail dans un précédent post..
Courir à l'étranger en tant que femme : quelques conseil et réflexions personnels
Choisissez bien vos itinéraires
En premier lieu, demandez toujours aux locaux et aux autres expats dans quels coins il est le plus sûr d'aller courir, et quels coins il vaut mieux éviter. Attention, les quartiers d'expats ne sont pas forcément les plus sûrs, car se sont souvent des quartiers calmes et qui sont visés prioritairement par les voleurs et agresseurs (logique).
Deuxièmement, essayez de ne pas toujours faire le même parcours, surtout si vous allez souvent courir à la même heure. Si vous êtes la seule femme (blanche) dans le quartier, les gens auront vite fait de vous identifier et d'identifier votre petite routine. Alors essayez d'introduire un peu de changement (on fait notre parcours dans le sens inverse, on prend des rues différentes pour aller au même endroit), ce qui permet aussi de varier un peu et de ne pas s'ennuyer.
Restez vigilante et consciente de ce qui se passe autour de vous, et essayez de repérer les comportements un peu bizarres. Personnellement j'évite d'écouter de la musique pour ne pas être coupée de mon environnement (aussi pour entendre les voitures et motos, question de survie dans les villes africaines). En parlant de motos, attention aux vols à l'arrachée, un grand classique des conducteurs de deux roues.
Enfin, attention aux réseaux sociaux type Strava qui peuvent partager vos itinéraires publiquement. Pensez à flouter votre point de départ et d'arrivée.
Attention aux horaires
Même si certaines villes peuvent être tout à fait sûres (comme Hanoï), évitez en général autant que possible de courir quand il fait nuit.
Courir tôt le matin peu quand même être une bonne option, car la plupart du temps il y a quand même une certaine activité dans les rues (et c'est parfois le seul moment où il est possible d'aller courir en évitant la chaleur).
Soyez identifiable
Que vous vous blessiez ou que vous rencontriez un problème de sécurité quelconque, vous avez besoin d'être identifiable pour recevoir de l'aide. Je déconseille fortement de prendre votre passeport ou autre document officiel avec vous.
Voici les alternatives que je peux recommander :
- Avoir une copie papier de votre passeport (ou carte de résident, etc) qui a été certifiée (légalisée) par les autorités locales du pays (police, gendarmerie, administration locale)
- Vous faire une petite carte d'identification avec des informations de base telles que votre nom, date de naissance, nationalité, numéros de téléphone à contacter en cas d'urgence (police locale, secours, votre Consulat, vos proches...), groupe sanguin et/ou autre information de santé importante
- Vous faire un bracelet d'identification personnalisable avec toutes les informations citées précédemment. C'est personnellement l'option que j'ai choisie, et je porte le même bracelet depuis des années maintenant. ça ne prend aucune place et ça devient juste une habitude de le mettre au poignet dès que je sors courir. Vous avez le choix entre différentes marques pour créer le vôtre (data-vitae, safe sport ID en France, road ID, Gone For a Run…).
Et ma tenue ?
Le Vietnam, l'Ouganda, le Maroc, le Sénégal... Dans plusieurs pays dans lesquels j'ai eu la chance d'habiter, porter des vêtements courts pour les femmes n'est pas si facile et parfois perçu comme inapproprié.
Si j'ai toujours été respectueuse dans ma vie quotidienne (je n'ai jamais porté de short en Afrique, je me couvre dans les temples et les mosquées), quand il s'agit d'aller courir, c'est une autre histoire. Je ne peux pas courir avec un legging quand il fait 30°C (en fait quand il fait plus de 10°C).
D'une part, courir en short (surtout en tant que femme blanche) peut mettre mal à l'aise et attirer l'attention. Mais d'un autre côté, en tant que femme blanche, les gens auront tendance à être plus indulgents avec vous parce que vous venez d'une autre culture. C'est pourquoi j'admire vraiment toutes les femmes ougandaise, marocaines et sénégalaises qui vont quand même courir en manches longues voire en hijab, car elles doivent supporter une pression sociale bien plus forte que moi.
Par ailleurs, je considère également que les gens devraient être compréhensifs et faire la différence entre porter un short pour faire du sport et porter un short pour d'autres occasions. Peut-être que je me trompe et que certaines personnes continuent à trouver cela offensant. Ou peut-être que je recevrais tout autant de remarques si je portais des manches longues. Je cours aussi pour me sentir forte et libre, et je préfère encore que quelques hommes me regardent les fesses plutôt que de sacrifier cette liberté. Quoi qu'il en soit, n'oubliez pas que les hommes (blancs) portent des shorts aussi bien pour le sport que dans leur vie de tous les jours, et qu'ils ne se posent même pas la question.
Par contre, je n'ai jamais essayé de courir uniquement en brassière (et Dieu sait comme j'aimerais le faire quand il fait 35°C), mais j'ai déjà vu des femmes le faire (même ici à Dakar), donc ce n'est pas impossible non plus. Pour être sûr, demandez aux locaux ce qu'ils en pensent et si c'est acceptable.
Courez en groupe
Je suis, l'écrasante majorité du temps, une coureuse solitaire. Les fois où je cours avec quelqu'un se comptent sur les doigts d'une main (essentiellement lorsque je rends visite à mes amis en France et deux ou trois fois à Kampala et à Casa). Mais je me soigne et j'envisage de rejoindre un groupe local de coureurs à Dakar. Non seulement c'est plus sûr de courir en groupe, mais c'est aussi un bon moyen de rencontrer de nouvelles personnes en tant qu'expatrié. Vous pouvez essayer d'explorer les groupes Facebook, demander autour de vous ou voir s'il y a un club local Hash House Harriers dans votre ville (il y en a à peu près partout dans le monde).
Qu'est-ce qu'on prend comme équipement ?
Je dois reconnaître que je ne prends quasiment jamais mon téléphone avec moi, parce que (1) c'est pas pratique car je n'ai nulle part où le mettre, (2) j'ai l'impression qu'il pourrait attirer l'attention et que je serais plus susceptible de me faire voler et (3) à moins d'essayer un nouvel itinéraire et de chercher mon chemin, je n'en ai pas besoin 95 % du temps. Mais une partie de moi se sent coupable car en cas d'incident, je ne peux pas contacter la police, les services d'urgence ou qui que ce soit. Je pense que la meilleure option est de prendre un vieux téléphone basique (du genre vieux Nokia) avec quelques numéros utiles enregistrés, ou de prendre son smartphone mais avec une ceinture ou quelque chose pour le cacher discrètement.
Cependant, j'ai envisagé à plusieurs reprises de prendre une petite bombe lacrymogène (pas seulement pour aller courir d'ailleurs 😅). Mais encore une fois, je ne l'ai jamais fait parce que je ne saurais pas où la mettre.
Conclusion
Bon, je ne voudrais pas non plus vous faire peur. À moins que vous vous sentiez directement menacée en permanence, ne renoncez pas à courir où que vous soyez (on va pas les laisser gagner hein). Vous trouverez toujours un moyen ou une technique pour réduire les risques et les situations inconfortables.
Plus important encore, les quelques situations auxquelles j'ai été confronté n'effacent pas et sont loin d'excéder les milliers de bonnes expériences que j'ai vécues en courant dans mes villes et pays d'accueil, notamment en courant avec des amis locaux et tous ces gens qui m'encouragent et me complimentent en chemin ("Bsaha !").
Bref, restez fortes, continuez à courir !
Et vous, quelle est votre expérience et quels sont vos conseils pour courir à l'étranger en tant que femme ?