Bon, je comprends que mon titre peut être un peu trompeur. Commençons par une petite clarification. Il est vrai qu'en fin de compte, on peut se sentir en danger dans son propre pays ou dans sa propre ville. Pour être honnête, je me sentirais plus en confiance pour courir la nuit à Berlin, Vienne, ou même à Hanoï qu'à Grenoble.
Mais lorsque vous vivez loin de chez vous, sur un autre continent, dans un endroit dont vous ne parlez pas la langue, où vous n'avez pas de famille, ou lorsque vous êtes perçu (à juste titre ou non) comme riche, vulnérable, comme une cible, les choses peuvent devenir encore plus compliquées.
En particulier dans les pays en développement où la pauvreté et les inégalités sont énormes (Afrique, Amérique du Sud et centrale, etc.), le niveau de vie ostentatoire des expatriés peut être indécent par rapport à celui des locaux. Parfois, les étrangers (i.e les Occidentaux) gagnent en un jour ce que les locaux gagnent en un mois. C'était d'autant plus le cas pendant les périodes de confinements, lorsqu'une grande partie de la population travaillant dans le secteur informel a été privée de leur moyen de subsistance, dans des pays où les prestations sociales n'existent pas. Dès lors, voler/attaquer un étranger peut paraître comme un moyen facile de gagner de l'argent. Pour être clair, je n'excuse pas ces actes, mais je pense qu'il est important que les expatriés et les voyageurs comprennent le contexte dans lequel ils vivent. Je n'ai jamais eu de problèmes de sécurité sérieux en Ouganda (qui est relativement sûr par rapport à d'autres pays africains), mais beaucoup de mes amis et collègues ont été attaqués plus ou moins violemment (au moins deux d'entre eux ont été assommés).
Voici quelques trucs que j'ai développés ou auxquels j'ai déjà pensé ces dernières années pour réduire les risques en matière de sécurité lorsque vous courez à l'étranger. Bien sûr, ils ne sont pas fiables à 100%, et ils sont probablement loin d'être suffisants si vous vivez dans un pays très risqué. Il faut toujours garder à l'esprit que le risque fait partie de l'expatriation (en fin de compte, personne ne nous a forcés à vivre à l'étranger). Cet article concerne aussi bien les femmes que les hommes, mais il est clair que, où que vous viviez, les femmes sont (beaucoup) plus susceptibles de connaître des problèmes de sécurité, sans parler du harcèlement verbal et des remarques déplacées en tout genre... mais cela fera l'objet d'un autre article.
Choix de l'itinéraire
Le conseil le plus évident pour éviter les problèmes est d'éviter certaines zones pendant vos sorties running. Que vous viviez en Afrique du Sud, en Inde ou au Brésil, vous n'irez pas courir dans le township, le bidonville ou la favela d'à côté (surtout si vous portez votre nouvelle montre Garmin à 700 euros).
"Oui bon, pas besoin d'être un génie pour comprendre ça" me direz-vous. "Je vais rester dans mon quartier d'expatriés et tout ira bien". D'après mon expérience à Kampala, oui et non. Oui parce que d'un côté, c'est dans ces quartiers que l'on trouve la plus grande concentration de gardes privés et/ou de policiers (pour sécuriser les ambassades, les villas d'ambassadeurs et autres complexes huppés...). Non, parce que de l'autre ils sont la cible évidente et privilégiée des vols et cambriolages. Tous mes amis ont été attaqués alors qu'ils se trouvaient à proximité de chez eux dans un quartier expat. Par exemple, à Kampala, des attaques sont souvent signalées sur Prince Charles drive à Kololo.
Les quartiers d'expatriés sont les préférés des coureurs, car ce sont les plus calmes (si ce n'est les seuls quartiers calmes de la ville) en termes de circulation, et les plus verts, ce qui est en gros ce qu'ont chercher lorsqu'on va courir. Mais en termes de sécurité, ils peuvent parfois être un peu beaucoup trop calmes...
On fait quoi alors ?
- Demandez aux locaux de vous indiquer les quartiers les plus sûrs. La toute première fois que je suis sortir courir à Kampala, quand j'étais encore à l'hôtel, la militaire à l'entrée m'a tout de suite demandé où je comptais aller. Elle a eu l'air plutôt rassurée quand je lui ai dit Kololo (qui est, en fait, le plus "expat" des quartiers d'expatriés). Des collègues m'ont également dissuadé d'aller courir sur certaines rues (Kira road par exemple). Enfin, de nombreux expatriés demandent sur les groupes Facebook quels sont les meilleurs endroits pour courir. N'hésitez pas à demander, et plus tard, à partager vos quartiers préférés avec les autres !
- En général, essayez de ne pas faire exactement le même parcours au même moment de la journée, que ce soit pour courir, vous promener ou aller au travail. Rappelez-vous que si vous vivez en Afrique, en Asie ou en Amérique du Sud, vous êtes facile à repérer, il est donc facile d'identifier votre routine et votre itinéraire habituel. Malheureusement, ce genre de conseil peut être compliqué à mettre en pratique, cela demande du temps, de la préparation, et parfois vous n'avez pas 36 parcours différents possibles. Mais même sans aller sur un parcours 100% nouveau à chaque fois, essayez au moins de faire de petites variantes, d'inverser vos directions habituelles (sauf si vous allez au travail), d'ajouter une petite boucle par-ci par-là, d'emprunter une autre rue pour vous rendre au même endroit, etc. En ce qui concerne les horaires, essayez de varier votre routine et d'alterner entre les courses du matin, de la pause déjeuner et de l'après-midi (même si, dans certaines villes, l'horaire peut dépendre fortement du niveau de pollution).
- Restez vigilant et conscient de votre environnement et des personnes qui vous entourent (essayez de repérer les comportements bizarres, vérifiez si personne ne vous a suivi lorsque vous rentrez chez vous, etc.) Faites confiance à votre instinct, si vous vous sentez mal à l'aise quelque part ou en croisant quelqu'un, faites demi-tour, arrêtez-vous pour parler à quelqu'un (faites semblant de demander votre chemin par exemple), entrez dans un magasin...
- Dites à vos proches (ou collègues, voisins, quelqu'un qui habite sur place quoi) où vous allez. Ok, j'avoue que je ne le fais jamais, sauf si je cours chez mes parents. Si vous voulez vraiment prendre votre Garmin avec vous, il y a une option LiveTrack qui permet de partager votre localisation en direct avec vos contacts (mais ça veut dire qu'il faut avoir votre téléphone sur vous + avoir du réseau).
- Faites attention aux applications sportives qui partagent (potentiellement publiquement) vos parcours, avec votre point de départ et d'arrivée et les quartiers où vous courez habituellement. Je sais qu'il existe sur Strava une option qui permet d'entrer plusieurs adresses afin que les personnes qui consultent votre profil ne puissent pas connaître l'adresse exacte de votre point de départ et d'arrivée.
Les horaires
Deuxième conseil évident, le choix de l'horaire. Là aussi, tout dépend de la ville où vous habitez.
Clairement, quel que soit le quartier, ce n'est pas une bonne idée de se balader la nuit dans les rues de Kampala (encore plus si vous êtes seul.e). En revanche, courir tôt le matin quand il fait encore un peu sombre est plutôt safe (sauf que c'est souvent très pollué), car il y a déjà beaucoup de monde dehors. A Hanoi, je n'ai eu aucun problème à aller courir la nuit (et heureusement !), car c'était l'un des moments les moins chauds de l'été.
Dans d'autres villes comme en Europe, c'est une question d'endroit, vous remarquerez rapidement si une rue est sûre ou flippante la nuit. Je suppose que vous ne risquez pas grand-chose à courir tard sur les berges de la Seine (du moins autour de l'île de la cité), mais ce n'est pas le moment de monter les marches de Montmartre en courant. Les parcs en général sont à éviter si l'on ne veut pas perturber les transactions des dealers (à moins de vouloir faire votre shopping en même temps). Bois de Boulogne à Paris, parc Paul Mistral à Grenoble, Görlitzer park à Berlin (je parle par expérience ici...) Faites confiance à votre instinct : s'il n'y a personne, ou si les gens ont l'air flippant, mieux vaut sacrifier votre sortie que de prendre des risques inutiles.
Être identifiable
Au cas où quelque chose arrive (danger, blessure, etc.), vous devez pouvoir être identifiable. Est-ce que ça veut dire que vous devez aller courir avec votre passeport ? J'éviterais pour ne pas prendre le risque de se le faire voler. Alors, alors ?
J'ai adopté il y a quelques années un bracelet de base personnalisable sur lequel on peut écrire ou graver des informations essentielles sur soi : nom et prénom, nationalité, date de naissance, numéros des personnes à contacter en cas d'urgence et tout ce que l'on pense pouvoir être utile (groupe sanguin, allergies...). Vous pouvez bien sûr tout écrire sur un papier, une petite carte ou autre pour l'emporter avec vous, mais si je trouve le bracelet particulièrement pratique, il n'est pas encombrant, vous n'avez pas besoin de poches, il dure pratiquement éternellement et cela devient une habitude de le prendre (un poignet pour la montre, un poignet pour le bracelet d'identification.) Bon, ça fait un peu collier pour chiens errants, mais au moins c'est rassurant pour soi et pour ses proches, ce qui, au final, est le plus important (bonjour maman !).
Est-ce que je prends mon téléphone ?
Bon, je dois reconnaitre que je ne prends pratiquement jamais mon téléphone avec moi pour aller courir, sauf pour mes premières sorties quand je débarque dans une nouvelle ville. Trop gros, trop gênant, et j'en ai pas besoin puisque j'ai ma montre... Mais effectivement, c'est un peu inconscient si quelque chose arrive et qu'ai j'ai besoin d'appeler les urgences, la police, un ami ou l'ambassade.
Mais d'un autre côté, je me demandais toujours si c'était vraiment une bonne idée de prendre mon téléphone en allant courir à Kampala. Dans un pays en développement, où les gens ont un niveau de vie très bas, courir avec son téléphone accroché au bras (ou à la main dans mon cas), c'est montrer sa "richesse" et s'attirer des ennuis potentiels.
Je n'ai donc pas d'avis tranché sur ce point, le débat est ouvert ! La meilleure option serait probablement de prendre son téléphone mais de bien le cacher (dans une ceinture ventrale par exemple) ou d'e prendre un vieux téléphone (vous savez, ce bon vieux Nokia que tout le monde a en Afrique) avec seulement les numéros d'urgence dedans (même si c'est quand même peu pratique).Je ne recommande pas vraiment de porter des écouteurs, car la musique peut vous couper de votre environnement et réduire votre niveau de vigilance (et vous n'entendrez pas le trafic !).
Courir à plusieurs
Probablement le meilleur moyen d'éviter les problèmes ! Même si, j'avoue (encore), que ce que j'aime dans la course à pied c'est de pouvoir pratiquer seule, quand je veux, où je veux (en déconnectant mon cerveau). M'enfin, je ne dis pas non à un peu de compagnie de temps en temps, et c'est justement un bon moyen de faire des connaissances dans une nouvelle ville. Alors amenez un ami, un voisin, un autre coureur que vous avez croisé lors de votre dernière sortie, postez une annonce sur Facebook, rejoignez un groupe de coureurs locaux...
S'équiper ?
Une petite bombe au poivre, un sifflet autour du coup pour attirer l'attention, un chien pour décourager les agresseurs potentiels... Je n'ai encore rien de tout ça (pour l'instant), bien que j'y ai pensé très fort plusieurs fois pour Kampala (y compris emprunter deux bergers allemands à un collègue). Encore une fois, vous n'aurez sans doute jamais besoin de tout ça, mais ça peut vous rassurer quand vous allez courir seul.e.
J'espère que je ne vous ai pas fait peur ou que je ne vous ai pas découragé d'aller courir ! En fin de compte, nous allons courir parce que nous voulons nous sentir libres, évacuer notre stress, nous vider l'esprit et profiter du moment présent... et la plupart du temps, les choses se passent bien. J'espère que ces quelques conseils vous seront utiles, n'hésitez pas à partager les vôtres en commentaires !